ORLAN X CAMILLE FOURNET, collection capsule “De corps en corps”
Un œil, une bouche, un nez : « le corps est un sac, le corps est un costume ». Par cette nouvelle création, ORLAN s’inscrit dans le cuir, dans la chair de la maison Camille Fournet. Cette rencontre permet à l’artiste de casser les murs de glace entre les pratiques en créant des porosités entre les arts visuels, le luxe et la maroquinerie. Artiste internationale, charnelle, féministe et toujours en capitales, ORLAN créé pour la Maison une collection d’exception, avec des fragments de son corps en citation de son œuvre historique « Se vendre sur les marchés en petits morceaux ».
Depuis longtemps, ORLAN met en jeu la représentation de son corps pour interroger des phénomènes de société actuels avec une distance critique. Quand on désigne des sacs à main, des sacs à dos on fait référence au corps. Le sac est transporté par la main mais son nom pourrait nous faire croire qu’il contient des mains d’où l’idée d’inscrire sur les sacs qu’ils soient à mains, à dos ou autres, des parties du corps de l’artiste (des impressions de visage, d’œil, de boucle, d’oreille, de main…). Le sac est comme une prothèse qui nous permet de transporter des éléments dont nous avons besoin. Il est le développement, la suite de nos poches.
Costume du Slow de l’artiste, par Beñat Moreno,2023
A l’occasion du lancement de son premier album musical Le Slow de l’Artiste, ORLAN collabore avec Beñat Moreno pour la création d’un costume qu’elle utilise pour la promotion, clips et performances lives. Il réalise une robe en lycra et une cape en mousseline avec une impression textile reprenant les slogans du projet, “JE SUIS SLOWSEXUEL.LE”, “NOUS SOMMES SLOWSEXUEL.LE.S”, “JE SUIS ARTSEXUEL.LE”, “NOUS SOMMES ARTSEXUEL.LE.S”, le tout en noir et blanc. Avec ce costume, ORLAN devient manifeste, et incarne visuellement son concept.
Prototype de chaussures, motifs tirés des self-hybridation entre femmes 2022
ORLAN a toujours eu une relation conflictuelle avec la mode qui très souvent alimente les stéréotypes de beauté contre lesquels elle se bat. Néanmoins, c’est un outil de création qu’ORLAN interroge parfois avec le bon concept et la bonne distance critique. En 2022, elle crée des prototypes de chaussures avec ses Self-hybridations entre femmes.
MASQUES D’ORLAN, 1984-2020
Pour ORLAN le corps n’est qu’un sac, le corps n’est qu’un costume. Elle a beaucoup travaillé autour du sujet et notamment autour du masque dans son œuvre.
Déjà en 1964 dans la série des CORPS-SCULPTURES, elle met en scène pour la première fois son corps nu le plus souvent sans identité car les cheveux, un masque ou la position de son corps cache son visage. En 1984, ORLAN crée un masque imprimé avec une photo de sa vulve pour sa vidéo performance, Mise en scène pour un grand fiat. Elle utilisera cet accessoire à de nombreuses reprises par la suite notamment dans sa performance Kiss on pussy. Dans sa 1ère Opération-Chirurgicale-performance dite Bloc du shérif en 1986, elle se fait opérer masquée par moments. Bien sûr dans ses selfs-hybridations avec les masques de l’Opéra de Pékin en 2014, ORLAN reprend les masques chinois pour reprendre sa place en tant que femme dans un lieu où elles sont proscrites. Enfin avec le COVID21 , ORLAN réalise plusieurs œuvres autour du masque et du virus et crée des masques utilisables avec la photo de sa vulve et son arlequinade sur l’intérieur du corps, avec des bactéries, des cellules etc.
ORLAN réalise des mugs comme merchandising de son œuvre à plusieurs reprises.
En 2014, elle réalise ses premiers mugs autour de sa série sur Le Plan du Film à l’occasion de son solo show au Musée des Arts Décoratifs et du Design à Riga, Lettonie, Ville européenne de la culture, curaté par Inese Baranovska.
En 2018, elle réalise des mugs avec chacune des œuvres de ses Self-hybridations entre femmes.
En 2023, elle réalise deux nouveaux modèles à l’occasion du lancement de son album Le Slow de l’Artiste, ainsi que des préservatifs.
Nouveaux Bâtiments OMICS, Institut PASTEUR, intervention artistique, invitation dans le cadre de l’ORGANOÏDE de Fabrice Hyber, “LES PHAGES D’ORLAN”, 2018
Après son exposition Le boeuf sur la langue (2010), ORLAN a eu le plaisir d’être invitée dans le projet ORGANOÏDE créé par son ami et académicien Fabrice Hyber et Olivier Schwartz. Il s’agit d’une banque de données d’images réalisées par des artistes pour accompagner les recherches scientifiques de l’Institut Pasteur.
Dans le cadre de ce projet, elle a eu l’opportunité de collaborer avec le chercheur Shahragim Tajbakhsh, responsable et expert de l’unité Cellules souches et développement dont ORLAN est passionnée.
Après avoir longuement discuté avec lui, elle a voulu travailler avec ses propres cellules souches, et elle a proposé à l’Institut Pasteur un projet allant dans ce sens, qui a été refusé par le comité éthique car il est interdit en France de travailler avec ces propres cellules. Comme quoi, le corps et son utilisation sont politique. Notre corps ne nous appartient pas.
Finalement, l’Institut Pasteur, par l’intermédiaire de Fabrice Hyber, lui a proposé d’intervenir artistiquement dans leurs nouveaux bâtiments, OMICS, au sein du hall des bâtiments Simone Veil et Alexandre Yersin.
ORLAN a réalisé un environnement complet à partir d’images très colorées de ses cellules et de virus comme dans Le bœuf sur la langue, mais dans une autre version. Les mots inclus dans ces images très colorées arlequinoïdes étaient par exemple le mot « rage », « pasteurella pestis », « vaccin », ou encore « chercheuse », terme qu’ORLAN apprécie beaucoup car il souligne la féminisation des noms de métiers, alors que Marie Curie a beaucoup souffert en tant que femme d’être chercheuse parmi les chercheurs.
Les images ont été installées dans des caissons lumineux et sur un revêtement de sol, sur et en dessous de gradins et sur des tables rondes hautes recouvertes de cet imprimé. Le point final étant un très grand tondo, installé en haut sur le mur blanc en face des gradins.
ORLAN X NUBI, Du drapé au pli numérique, 2016 Broche numérique animée Ecran OLED, inox et pâte de verre noire 3,8cm x 3,8cm x 1,6cm Editée en 12 exemplaires / CELLULES, 2016 Sautoir numérique animée Ecran OLED, inox et pâte de verre noire 3,8cm x 3,8cm x 1,6cm Editée en 222 exemplaires
ORLAN x Brochier Soieries, Carrée de soie, Self-hybridations Masques de l’Opéra de Pékin, Facing Designs et réalité augmentée n°1, 2016, 90×90 cm
ORLAN et les soieries Brochier ont collaboré dans la création de foulards en soie à partir de sa série de Self-hybridations des masques de l’Opéra de Pékin, 2014. Dans cet opéra, les femmes sont proscrites et les hommes jouent leurs rôles.
Comme les œuvres, le foulard sert de QR code. Le/la client.e peut le scanner et voir apparaître un avatar d’ORLAN qui sort du cadre de l’œuvre et réalise les acrobaties de l’Opéra de Pékin.
On peut alors se photographier avec ses ami.e.s et l’avatar et envoyer les photos dans le monde entier comme avec n’importe quel selfie.
DEUX DOIGTS BAROQUES POUR UNE BELLE MAIN, Bague en argent massif, 4,3 x 6 x 3,2 cm, Édition de 12,2015
En 2015, ORLAN réalise DEUX DOIGTS BAROQUES POUR UNE BELLE MAIN, une bague en argent massif dans la continuité de son travail sur les drapés baroques. Elle créée des volumes avec des formes organiques, des courbes et contre courbe…
ORLAN x Diane Venet, Tête de fou, 2010, or et argent, 8.5×10.5×3 cm
Broche à partir de l’oeuvre Défiguration-Refiguration, Self-hybridations Africaines, Cimier ancien de danse Ejagham Nigéria et visage de femme euro-stéphanoise
Cette série consiste en une série de photographies noir et blanc basée sur les photos éthnographiques, les premières photos où l’on va photographier l’Autre. ORLAN réalise en 2010 une collaboration avec Diane Venet. Il s’agit des broches Tête de fou en or et argent créées à partir de l’oeuvre Défiguration-Refuguration, Self-hybridations Africaines, Cimier ancien de danse Ejagham Nigéria et visage de femme euro-stéphanoise.
Un Boeuf Sur La Langue, Musée des Beaux Arts de Nantes, Chapelle de l’Oratoire, France, 2010
En 2010, ORLAN a élaboré l’exposition Un boeuf sur la langue, pour laquelle elle a créé un velours de soie imprimé par les établissements de soierie Brochier avec un dessin montrant virus, phages, cellules de sang, de peau et de muscle, presque uniquement pour le plaisir de toucher et de voir cette matière très vibratoire, très picturale avec laquelle elle a créé des sièges, des robes, des œuvres et des espaces imitant des vitraux.
Ces robes habillaient des mannequins noirs et étaient noires de dos, mais très colorées de face. Les meubles étaient notamment composés d’une table avec un plateau tournant et d’un très grand banc semi circulaire composé de tabourets sur roulettes s’interpénétrant, banc sur lequel le public s’est assis lors des multiples discussions organisées au cours de l’exposition au sujet des mots figurants dans l’espace. Les participants pouvaient soit rester dans la conversation de manière collective, soit faire rouler leur siège et se détacher du groupe et la parole redevenait individuelle.
Le concept de l’exposition reposait sur le mélange du design, de la mode, de l’art, de la sculpture, des textes et de l’imagerie médicale dans un même lieu, le musée des Beaux-Arts de Nantes.
En entrant dans l’installation, tout était noir et on ne comprenait pas ce que les mannequins tenaient. L’ambiance était lourde, inquisitionnelle, presque morbide. En avançant dans la chapelle de l’oratoire, petit à petit il était possible de lire les textes comme « dire », « athée », « sur-femme », symbiotique »… Et, en même temps, voir le devant des vêtements fabriqués avec ce velours de soie très coloré, comme une arlequinade.
Suture-Hybridation-Recyclage, Espacio Artes Visuales, Murcia, Spain,2009
On peut lire pratiquement toute l’œuvre d’ORLAN à travers le prisme de la robe, du costume ou du travestissement. Le vêtement est pour l’artiste une meilleure interface que la peau. On ne choisit pas sa peau, mais grâce au vêtement, on peut se créer une seconde peau, une carte de visite au plus proche de ce que l’on est, de l’image qu’on veut produire, de sa culture, de ses goûts se construire sa carte de visite et ce que l’on veut être.
ORLAN réalise en 2009 l’installation Suture-Hybridation-Recyclage dans laquelle elle hybride sa garde-robe suivant un même protocole avec David Delfin, Maroussia Rebecq et Agatha Ruiz de la Prada en leur demandant de trouver un moyen d’assembler deux de ses vêtements différents pour faire se rapprocher des temps, des matériaux, des stylistes et des moments de son histoire. Maroussia Rebecq a coupé deux vêtements et mis un petit lacet jaune fluo pour les rassembler, David Delfin a mis des rubans pleins d’agrafes, permettant de pouvoir les désolidariser et de les raccrocher à un autre vêtement créant ainsi une hybridation ou plutôt un assemblage temporaire et des hybridations multiples mouvantes.
Agatha Ruiz de la Prada, quant à elle, a proposé une solution plus radicale. Elle a soigneusement sélectionné dans son musée de très belles robes, les a coupées en deux et a scindé les vêtements d’ORLAN en deux à partir de la taille et les a assemblés.
Ainsi, chaque robe était recomposée avec une moitié de la robe d’Agatha Ruiz de la Prada, et une moitié des robes de la garde robe d’ORLAN dont je ne connais pas forcément le styliste. ORLAN a gardé depuis l’adolescence toute sa garde-robe.
Le 30 mai 1990, dans une église désacralisée nommée “All Saints” à Newcastle en Angleterre, ORLAN annonce lors d’une performance-rituel inaugurale sa décision d’entreprendre les Opérations-Chirurgicales-Performances en lisant son manifeste de l’Art Charnel qu’elle avait écrit en 1989.
LA RÉINCARNATION DE SAINTE-ORLAN OU IMAGES NOUVELLES-IMAGES DITES OPÉRATIONS-CHIRURGICALES-PERFORMANCES, est une série de 9 performances réalisée par ORLAN entre 1990 et 1993 à Paris, à Bruxelles et à New York. ORLAN crée cette série pour dérégler la chirurgie de ses habitudes d’amélioration et de rajeunissement et pour faire des opérations chirurgicales qui n’étaient pas censées apporter de la beauté mais de la laideur, de la monstruosité, de l’indesirabilité.
L’idée centrale de ces opérations chirurgicales était de lutter contre les stéréotypes, contre les modèles. ORLAN n’est pas contre la chirurgie esthétique mais contre ce que l’on en fait. Elle utilise alors cette technique pour en faire une invention de soi-m’aime en s’attaquant au masque de l’inné. La première condition avec les different.e.s chirurgien.ne.s était pas de douleur car ORLAN est pour le CORPS-PLAISIR. Pour chaque performance ORLAN, décorait le bloc opératoire qui devenait par ce geste son atelier d’artiste. Elle était costumée ainsi que l’ensemble du corps-médical par un créateur de renom qui travaillait en collaboration avec l’artiste. Les performances étaient orchestrées par des lectures et lorsque le geste opératoire le permettait, ORLAN produisait des images, réalisait des films, des vidéos, des photos, des dessins avec son sang et ses doigts, des reliquaires avec sa graisse et sa chair, des sortes de « saint-suaires » réalisés avec son sang séché et de la gaze médicale issue de l’opération sur laquelle elle a fait des transferts photographiques, et des objets ensuite exposés dans des musées et galeries.
S’habiller de sa propre nudité, Caldas da Rainha, Portugal, 1976-77
Dans la performance S’habiller de sa propre nudité (1976-77), ORLAN est vêtue d’une photographie de son corps nu sous forme de robe en toile photographique la recouvrant entièrement et se promène dans des jardins publics au Portugal.
Des policiers ont voulus la verbaliser pour exhibitionnisme, mais c’était impossible car ORLAN était habillée des pieds au cou et avait dans son sac ses papiers d’identités.
Dans l’espace public, les autres sont confrontés à la représentation de sa nudité, sans qu’elle soit effectivement nue. ORLAN met en évidence ce même écart dans la vie publique où les autres se représentent plutôt qu’ils ne se présentent. En ce sens, la performance agit sur l’espace réel en perturbant la relation à l’autre, en rendant la rencontre critique. ORLAN cherche à se rapprocher de l’environnement, des objets qui sont des médiateurs pour la rencontre avec l’autre et à créer en mettant à mal la loi et en la déreglant sans que l’on puisse la condamner.